Le petit train de Villers

Découvrez l’histoire du petit train de Villers-Sire-Nicole

Le réseau local de chemins de fer

Une voie ferrée d’intérêt local est une ligne de chemin de fer secondaire construite par des collectivités locales françaises. De nos jours, on les retrouve parfois sous le sigle VFIL.

Desservant des zones rurales peu peuplées qui n’étaient pas irriguées par le réseau d’intérêt général, celui- ci étant la concession des grandes compagnies, ces voies de chemin de fer étaient construites et exploitées à l’économie.

La naissance des réseaux locaux et la loi

 

La notion de voie ferrée local (VFIL) naquit à l’initiative d’un préfet, celui du BasRhin. Se basant sur les dispositions de la Loi du 21 mai 1836, il utilisa ses pouvoirs de préfet en matière de chemins de grande communication. Le département dont il avait la charge fut le précurseur en matière de chemins de fer d’intérêt local, dès 1859. Les autres départements, envieux des économies engendrées par ce mode de transport, en vérifièrent par enquête ses qualités, ce qui aboutit à la Loi du 12 juillet 1865. Par celle-ci, les départements et communes furent autorisés à implanter en nom propre ou sous forme de concession, de nouveaux réseaux de chemin de fer. Principale réserve, le contrôle de l’Etat est impératif en échange de son concours. Une grande autonomie était accordée aux collectivités locales sur les plans technique et financier.

Parce qu’en échange de création de tels réseaux, de fortes subventions de l’Etat édictées par la loi encouragèrent la spéculation, de nombreux réseaux ne virent le jour que sur papier, parfois sur le terrain, mais possibilité de tels abus.

Charles de Freycinet, ministre des travaux publics reçut la charge de création d’un réseau national ferré cohérent et complet. Le rail devait desservir un maximum de chefs-lieux de canton, en particulier dans les régions dépourvues de ce moyen de transport. Le ministre, sous la dénomination de plan Freycinet, déposa un projet de Loi réparti en 2 thèmes distincts :

  • Le premier concernait principalement les grands réseaux dont celui de notre région : les chemins de fer du Nord. Il sera mis en application par la Loi du 17 juillet 1789.
  • Le second se résumant à dresser un inventaire des réseaux d’intérêt local fondés sur les bases de la Loi du 12 juillet 1865, ne répondait pas aux attentes des départements en matière de répartition équitable des lieux à desservir et ne sera jamais promulgué.

 

Le coup de fouet gouvernemental

 

Pour obtenir un résultat à la hauteur des attentes gouvernementales tout en encadrant les conditions d’attribution des subventions d’état, fut votée le 11 juin 1880 une nouvelle loi. L’effet escompté ne tarda pas à se traduite dans les faits par une extension considérable du réseau au point de le porter des 2187km existants au moment du vote de la Loi de 1880 à 17 653km en 1913.

 

Réseau local de chemin de fer

 

C’est le cas du réseau connu dans notre région sous l’appellation «le train de Villers». Créé sur les bases de cette loi, il sera déclaré d’utilité publique par la loi n°27298 du 12 Août 1893. Ce nouveau réseau, accordé à M. Alfred LAMBERT, sera à voie métrique : l’écartement entre les rails sera de 1 mètre. La longueur de voie autorisée est de 12km 500. A moins de dépasser un seuil minimum de recette, fixé par la loi, il ne sera réalisé d’un maximum de 3 allers et retours par jour.

Son parcours : il part de la gare de la gare de Maubeuge, non pas coté des quais, et voies de son grand frère, le chemin de fer du Nord, mais au long du parking face à la gare. C’est là que partiront les voyageurs, en direction de VillersSireNicole.

 

Pourquoi relier deux lieux qui nous paraissent aussi différents de nos jours ?

 

A Villers-Sire-Nicole, comme à Maubeuge sont implantées les 2 usines d’un même industriel, connus en dernière date sous la dénomination des usines Sculfort. De plus, dans cette petite commune, aujourd’hui désertée par l’industrie, d’autres activités économiques attrayantes en matière de marchandises à transporter, y sont implantées. Les 2 sites Sculfort seront le client le plus important de la Compagnie. Cela permit bien entendu aux ouvriers de rejoindre leur lieu de travail sans pour autant quitter leur résidence, en campagne.

Toutefois, desservir par voie ferrée la petite commune de Villers-sire-Nicole, frontalière avec la Belgique, éveille les doutes en matière de sécurité nationale, le chemin de fer constituant un moyen rapide de déplacement de troupes et de matériel. Aussi, sur avis du Génie militaire, à quelques kilomètres de la place forte de Maubeuge, la voie sera prévue rapidement démontable en cas de conflit. De plus, la ligne sera implantée sous protection des bouches à feu des fort Serré de Rivières, en cours d’implantation tout autour de la place forte de Vauban à Maubeuge.

Villers-Sire-Nicole

Les ateliers de Villers (Usine Sculfort)

Maubeuge

Faubourg Saint Lazare (Usine Sculfort)

L’inauguration

Ce sera en grande pompe que le train parcourra son premier trajet le 15 mars 1896. Il appartenait alors à la compagnie du chemin de fer de Maubeuge à Villers-sire-Nicole.

Ultérieurement, il intégrera la Compagnie générale des voies ferrées d’intérêt local.

Pourquoi Train et non Tramway

 

Les rails n’ont rien de bien comparable avec ceux de leur grand frère, les chemins de fer du Nord. Il s’agit de rails Vignoble, un type de rail léger dont le poids oscillait entre 9 et 35kg en fonction de l’écartement. Ce sera du rail de 20kg au mètre dans notre cas. Comme pour la majorité des autres réseaux d’intérêt local, les rails seront écartés de 1 mètre. On parle donc de voie métrique.

La voie de Maubeuge à Mairieux sera implantée en accotement de la route. Toutefois, parce que le rayon de braquage et la pente maximum admissible par les locomotives ne permettait pas d’autre solution, des zones en site propre seront utilisées, cela grevant le budget initial de la compagnie par des acquisitions financières compensatoires. C’est le cas de la portion de trajet en sortie du Pont Rouge à Maubeuge.

Du 8ème Km, à Mairieux, jusqu’au terminus de Villers-sire-Nicole, il faudra suivre le chemin des champs pour desservir au passage (au 10ème km) la gare de Bersillies.

Cela sera le caractère déterminant pour l’appellation de ce moyen de locomotion. Le réseau long de 12 050 mètres ne comporte que 4800 mètres sur voies publiques. A l’inverse des réseaux équipés de locomotives  à vapeur (Lille en 1880, Valenciennes dès le 1er  juin 1881 et Fourmies/Wignehies en 1884), il s’agit donc bien d’un train et non d’un Tramway. Et pourtant, le matériel roulant ressemble étrangement à celui des réseaux de tramway à vapeur, bien souvent les locomotives sont des machines identiques, y compris les essieux dont les roues sont au même écartement de 1 mètre.

Notre train de Villers ne pénètre d’ailleurs pas dans la place forte de Vauban mais la contourne. En particulier, partant de la gare de Maubeuge, il ne rejoint pas la Porte de France mais longe la route jusqu’au Pont Rouge (son principal ouvrage d’art). Après avoir franchi la Sambre sur ce pont, il quite la route jusqu’aux ateliers de l’usine maubeugeoise de Sculfort.

Pour desservir ce site, il sera créé une halte pour les voyageurs, et en gage de rentabilité sera même construit un embranchement particulier propre au site industriel.

Aux environs de Bersillies

Du 8ème Km, à Mairieux, jusqu’au terminus de Villers-sire-Nicole, il faudra suivre le chemin des champs pour desservir au passage (au 10ème km) la gare de Bersillies.

Le train de Villers

A l’entrée de son parcours campagnard.

Voiture Voyageur

Face aux bâtiments Lurçat, avenue de la gare.

Les horaires du petit train de Villers en 1902.

Descriptif du réseau

1) Le matériel Roulant

Des locomotives à vapeur à 3 essieux tirant des voitures pour les voyageurs et quelques wagons destinés aux marchandises. Les locomotives sont de type tender (le charbon n’est pas stocké sans un tender remorqué). Les puristes vous parleraient donc de 030T.

Leur volume est réduit :

  • Car il faut respecter un faible gabarit,
  • Parce qu’il laut circuler en zone urbanisée et que la faible longueur des convois ne nécessite pas des machines de forte puissance.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut y voir un quelconque brin de médiocrité. La taille est certes réduite par rapport aux monstres du réseau national mais la fiabilité n’est pas une question d’échelle. L’énergie de la vapeur est très bien maitrisée à cette époque et les améliorations régulières.

    

2) Les haltes et gares

Seules 2 véritables gares seront implantées sur son trajet : l’une à Mairieux, la seconde au terminus voyageurs de Villers-Sire-Nicole.

Dans ces 2 communes, une halle marchandise sera aussi implantée. On distingue parfaitement sa forme sur d’anciennes cartes postales du terminus de Villers. Pour les autres arrêts, il faut parler de halte, y compris à Maubeuge, où les bureaux voyageurs des chemins de fer seront partagés avec lui.

A Maubeuge :

  • La gare marchandise servira aussi pour les 2 réseaux.
  • Un petit centre technique comportant une voie de stockage de matériel roulant, une voie d’évitement et plaque tournante. Ces 2 derniers équipements sont dus au fait que les locomotives ne peuvent fonctionner en marche arrière sur le réseau car la visibilité du mécanicien serait limitée à un côté du convoi, compromettant la sécurité, en particulier lors des circulations au long des voies publiques.

Le fonctionnement était assez singulier, car outre le panache de vapeur, de belles «crasses» ne manquaient pas de noircir le minois des voyageurs mais aussi les façades. Le bruit si caractéristique des machines ne suffisait pas pour autant à étouffer les grincements du métal des roues sur les rails. Quant au coup de sifflet, il en a assourdi plus d’un, imprudent au point de vouloir trop s’approcher de la source de chaleur si caractéristique de la chaudière. Que de rires du mécanicien qui n’en était pas à sa première plaisanterie ! Aussi, ce train restera dans le cœur des maubeugeois comme de ceux des habitants du Val de Sambre, jusqu’à sa disparition.

Souvent, les anciens nous comptent leurs souvenirs d’hivers. Il était alors courant de devoir descendre du train pour pousser le train en période de gel, en particulier à proximité de la halte du rond-point de la porte de Mons. Que de doigts collés sur le métal glacé des wagons, que de sueur pour faire reprendre la marche du petit tortillard ! Mais le jeu en valait la chandelle pour les écoliers. Glissade des uns, patinage des roues de l’autre, étaient synonyme de retard «légal» à l’école Pff !!

3) Les signaux de chemin de fer et la sécurité du réseau

Parce que le réseau ne comporte que très peu de locomotives, la signalisation était quasi inexistante, tout au plus quelques passages à niveaux qui ont plus l’aspect d’un portail délimitant un site (celui de la petite vitesse à Maubeuge) que celui d’une barrière à but sécuritaire.

D’ailleurs, lorsqu’il croisera sur un même niveau les rails de son cadet, le tramway de Maubeuge, aucun signal n’est visible sur les différentes vues des réseaux.

Dans sa traversée de la route de Mons, lorsqu’il prenait la direction de Bersillies, une croix de St André fit son apparitions que dans les années 1930 !

Par beau temps, la vitesse maximale entre arrêts est faible, le 30km/h étant la vitesse « la plus folle » des convois. Et encore ! En zone habitée, pas question de s’aventurer à dépasser la vitesse d’un homme au pas. De ce fait, bruit et vitesse limitée sont gages de sécurité. Peu d’incidents dans la mémoire de nos anciens et dans les documents d’époque. Tout juste quelques photos d’une confrontation musclée entre notre train et le «Péril jaune», lui véritable tramway maubeugeois, au carrefour entre les 2 réseaux formé du trieu au vin et de la rue d’Hautmont à Maubeuge. 

D’ailleurs, les compagnies ne se faisaient pas de cadeaux. Des courriers datés de 1906 (archives municipales de Maubeuge) entre les 2 compagnies sont là pour le rappeler. Si l’un modifie son réseau, il se garde bien d’en informer l’autre, même aux croisements des 2 réseaux, quitte à interrompre pendant plusieurs jours tous trafics. Mais là n’est pas le plus gros obstacle au fonctionnement du réseau.

En début de document, nous évoquions les soucis de défense nationale. Malheureusement, le 1er conflit mondial eu un impact lourd sur la marche des trains. Non seulement l’ennemi ne se priva pas de détruire une partie de celui-ci mais il fit disparaitre aussi à jamais la raison d’être primitive du terminus de Villers-sire-Nicole en détruisant les ateliers de Sculfort comme une bonne partie des lieux marquants de la commune (église, …).

Dans un premier temps, les rails réutilisables (parce que non détruits ou mis en sécurité à l’approche de l’ennemi) furent réemployés pour la création d’une voie d’approvisionnement du local du dirigeable. Si avant 1914, un aérostat français y trouvait refuge, l’ennemi prolongea le bâtiment et y créa la nouvelle base d’un ballon dirigeable, un zeppelin, le LZ113. Pour lui fournir les approvisionnements nécessaires à son objectif militaire, le réseau fut conservé de la gare de Maubeuge jusqu’à la route de Mons, avant de bifurquer sur la nouvelle voie en direction du parc du dirigeable (situé dans le quartier du Pont-Allant, en pied de Sambre). N’oublions d’ailleurs pas que Maubeuge est alors sous la coupe (la main de fer pour être plus réaliste) du gouvernement de l’Etape.

Après le 1er conflit mondial, l’ennemi ayant démoli au maximum l’industrie et les infrastructures de transport, se posa la nécessité d’accompagner le plus gros client industriel de la compagnie dans les perspectives de rétablissement. Son nouveau site sera regroupé en totalité dans son usine initiale, au faubourg St Quentin à Maubeuge. Plus rien ne reverra le jour à Villers-sire-Nicole. Cette destination industrielle sera donc abandonnée.

Inversement, pour mieux répondre aux attentes de l’industriel, il n’était plus pensable de décharger le matériel de marchandise nécessaire au fonctionnement de l’usine en gare de Maubeuge puis de transborder dans les petits wagons du petit train de Villers, pour finalement le décharger quelques heures plus tard dans les ateliers de l’usine.

Pire encore, les rails de notre tortillard n’admettaient pas les charges lourdes et pourtant les produits finis de l’usine présentaient un volume et un poids de plus en plus grand. Plutôt que de donner le champ libre aux transports routiers, le réseau fut pourvu de 2 rails supplémentaires encadrant les rails à l’écartement métrique final.

Donc, nous aurons dorénavant de la gare de Maubeuge au faubourg Saint-Quentin deux rails extérieurs écartés de 1 mètre 438 encadrant 2 rails écartés de 1 mètre. Les locomotives seront aussi dotées de 2 tampons à écartement standard du réseau national en supplément du tampon central qui ne sert que pour l’ensemble de l’ancien réseau.

Les travaux furent rondement menés de novembre 1925 à février 1926. L’usine Sculfort de Maubeuge subit aussi de nombreuses transformations. En grande pompe, tout comme aux premiers tours de roue de la mise en exploitation, le tracé renforcé sera inauguré le 2 avril 1926.  

Voilà un nouveau souffle pour le train de Villers. Mais c’est sans compter sur un nouveau désastre, le second conflit mondial. Le cœur de la ville ayant été détruit dès 1940, plus aucune structure ne retenait la volonté de préserver le réseau, tant l’impératif besoin de reconstruire la ville était vital. De plus, l’ennemi ne s’était pas privé de démanteler l’industrie. Le «gagne-pain» de la compagnie étant avant tout l‘industrie et non le transport de passagers, pas question de mettre en service des autorails moins gourmands en énergie comme dans certains autres réseaux. Les véhicules routiers, camions et bus, donnèrent les derniers coups de boutoir et effacèrent toute raison d’être du réseau.

Certains réseaux aveint encore quelques besoins en vieilles machines. L’une des locomotives a rejoint l’Oise où elle était encore visible récemment. Quant aux voitures de voyageurs, elles furent stockées à la «petite vitesse», en gare marchandise de Maubeuge, et furent démantelées derrière les plaques en béton séparant le site de la rue de la gare. Aucune information sur les wagons de marchandises, sans doute «tous ferraillés».

Alors que le train ne parcourait que 12 kilomètres entre ses 2 terminus, à une vitesse moyenne inférieure à 20km/h, la lenteur, le confort rudimentaire de ce chemin de fer secondaire est passé dans la légende populaire. De nos jours encore, il suffit de prononcer «Train de Villers» aux anciens de la région de Maubeuge pour voir aussitôt rejaillir leurs souvenirs, comme s’il allait déboucher au prochain carrefour. Belle preuve qu’un petit train peut marquer l’histoire du Val de Sambre.

L'histoire de Villers-Sire-Nicole

Sa situation : Au-delà de Bersillies, après deux kilomètres de marche à travers une plaine qui domine les environs, et de laquelle on aperçoit la ville de Mons, on arrive à Villers-Sire-Nicole.

Les chapelles

Quatre chapelles se dressent aux quatre coins du village, la chapelle « Notre Dame de Bon Secours », « Saint Eloi », « Sainte Anne » et la chapelle « Notre Dame de Grâce ».

L'usine Sculfort de Villers

L’usine SCULFORT, puis devenue l’usine DAMETA.

La rivière "la trouille"

Depuis sa source à Grand-Reng sur la commune d’Erquelinnes, la Trouille s’écoule d’est en ouest pour traverser la frontière française.

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